samedi 30 décembre 2017

Medellin et les paisas

Medellín
Du 23 au 27 déc

Medellín. ..ah ! ce mot, cette ville est pour nous, français, synonyme d'insécurité, d'un melange entre FARC et narquotrafic bref des années 70 debut 90 sanguinaires que Pablo Escobar a fait vivre à la ville (8000 morts en moins de 10 ans) et à tout le pays. Même si un quartier porte encore son nom et que pour certains paisas (habitants de Medellin) cet homme reste pour eux une sorte de Robin des bois qui a installé des sanitaires, des hopitaux, ecoles... dans nombreux barios et distribuait de son argent aux pauvres, nous n'allons pas vous parler de cet homme car les colombiens ne méritent pas qu'il prenne la "vedette" des récits des voyageurs (même si cet épisode de la vie du pays est abdolument ahurissante, extraordinaire et si vous avez l'occasion de voir la série "Narcos" ne manquez pas de la regarder car de l'avis de tous ici c'est une fiction reportage extrêmement fidèle à la réalité).

Revenons donc à Medellín qui se prononce d'ailleurs Médejine, ville fondée en 500 par les indiens et occupée des les années 1500 par les espagnols.
Nous y sommes arrivées vers 8h du matin, vivantes mais bien fatiguées après une nuit épique en bus déjà racontée. Direction la guesthouse que nous avions réservée, douche, petite sieste et nous voila parties à la découverte de la ville. Nous avions choisi de résider à 2 pas du centre. Donc, une fois notre pâté de maison tranquille dépassé, nous voici plongées dans...un véritable cataclysme. Une sorte d'immense marché non organisé où en plus des commerces normaux et de leurs déballages en terrasse avec micro et ampli tonitruants, s'ajoutaient des centaines de vendeurs ambulants, des voitures, des colectivos et bien entendu les piétons. ..nous devions être environ 10 au m2. Et les piétons portaient des quantités de sacs, des vélos d'enfants empaquetés, des peluches de 2 mètres et par dessus tout ça s'arrêtaient pour acheter un verre de mangue coupée au citron poivré et salé ou un grand verre de jus de canne à sucre... Pour tout dire, nous n'avons pas bien vécu ce moment, encore hantées par l'idée que la ville n'était peut être pas secure et stressées d'être portées par cette foule après une semaine de sérénité au désert de Tatacoa ou San Agustin... Nous avons mis 2 heures à nous sortir de ces quartiers et sommes finalement rentrées à la guesthouse perturbées sans avoir eu la moindre envie de sortir notre appareil photo.

Mais heureusement que l'être humain est doté d'un cerveau ! Évidemment que d'aller se promener le samedi de la veille de Noël dans des lieux commerçants c'est une très mauvaise idée où qu'on soit dans le monde !
Alors je me suis inscrite sur un groupe Facebook des français et francophones de Medellín et j'ai lu ce qu'ils se racontaient entre eux. Ils avaient l'air tellement heureux de vivre ici que nous nous sommes dit qu'il fallait qu'on reparte à zéro, qu'on découvre Medellín et ses habitants avec un état d'esprit moins conditionné par nos peurs françaises. ..et là... tout a changé !
Sur la page du groupe on a repéré Cathy, jeune française qui à la suite d'un visa travail vacance à Medellín a décidé de rester y vivre et de mettre à profit sa formation tourisme en montant des projets touristiques avec les communautés des quartiers "invisibles" de Medellín. Alors nous l'avons contactée et lui avons demandé de nous accompagner dans un tour qu'elle propose en cette période de Noël à savoir découvrir le centre ville et son histoire et les extraordinaires iluminations de Noël dont la ville fête les 50 ans cette année.



La ville de Medellín s'est énormément transformée à partir de la fin du Narco trafic avec la mort d'Escoblar en 1993. Cependant avec la fin du trafic c'était toute une vie économique qui se transformait. 8000 personnes (3000 tueurs)  travaillaient pour Escoblar et donc étaient payées, mieux payées que la moyenne des travailleurs de Medellín. Cet argent faisait vivre énormément de monde au final. Cette activité disparue, le risque était que tous les quartiers dits "invisibles" pour l'état, les barios bidons villes des colines allaient se retrouver encore plus isolés, avec encore moins de ressources et tournés uniquement vers la délinquance pour survivre. Le pari de la ville de Medellín a alors été de lancer un désenclavement ultra rapide de ces quartiers en construisant des lignes de métro aerien, de tramway, de métro câble (funiculaire), escalators pour escalader les colines, Nord Sud et Est Ouest qui entrent jusqu'au plus profond des quartiers. 

Permettre d'atteindre le centre de la ville, les points de services publics en 15mn au lieu des 2 ou 3 heures avant. Et ces moyens de locomotion permettent aux barios de descendre mais également au reste du monde de monter. Et c'est ainsi que de nombreux projets communautaires ont commencé à voir le jour afin que ces quartiers puissent mettre en valeur les compétences, la culture que les habitants ont développées au fil des années dans des conditions de vie très difficiles.

Les habitants de Medellín sont très fiers et respectueux de leurs transports publics. Nous avons été très surprises de constater que des rames de métro qui ont plus de 10 ans donnent l'impression d'être neuves. Pas de grafitis, de rayures, de chewing gum collés, de papiers qui trainent...il faut dire aussi qu'à chaque station il y a sur chaque quai un agent de nettoyage permanent ainsi que 2 policiers, idem aux stations du tram ou du métro câble et même aux 5 paliers du grand escalator qui gravit la colline de la comuna 13 par exemple.



Revenons à notre visite du centre ville avec Cathy. Le vieux centre colonial a souvent subi des incendies et il ne reste pas grand chose des vieilles maisons blanches telles que nous avons pu les voir dans une exposition de photos anciennes. 



Autour de la gare on retrouve la grande place de l'ancien marché elle même à côté des grands entrepôts aujourd'hui rénovés. C'était un ensemble économique autour duquel s'est développé tout un grand quartier commerçant. Aujourd'hui, seul le quartier commerçant reste. La gare est devenue une banque (il n'y a plus de chemins de fer en Colombie depuis 1992), la place du marché est devenue en 2005 une place artistique dite place des Lumieres (en opposition à son ancien nom Place des vices), les vieux entrepôts (conçus par l'architecte francais Carré) inspirés des batiments des fermes de café, sont rénovés et abritent des administrations. 



Lors de la transformation de Medellín après 1993 un grand nombre de bâtiments administratifs ont été construits et regroupés ici. C'est à 2 pas de la station principale vers laquelle convergent tous les transports publics, ainsi pas besoin de courir la ville si on a besoin de faire une démarche administrative. De nombreuses sculptures évoquent le passé et le renouveau de la ville. 



L'une d'entre elles, très imposante rend hommage aux peuples indigènes.



Puis on passe par toutes les rues qui nous ont stressées le premier jour. Beaucoup mieux ;-) Les gens boivent, mangent, vous disent Buenas en souriant, jouent à une sorte de casino palets... tu lances 200 pesos et si ta pièce tombe au milieu d'une case alors tu gagnes la somme indiquée sur cette case sinon c'est le maître des palets qui récupère ta pièce. ..évidemment j'ai joué et j'ai perdu !



Puis on passe devant une drôle de petite église où les troncs pour les oboles sont incorporés au mur et il y a un bouton de coffre fort pour que le curé récupère les dons. 



Cette petite placette est également celle qui reste pour les prostituées. Il y a 20 ans tout le quartier était mal famé mais en rénovant chaque place, en montant des projets culturels sur chacune d'entre elles, en proposant du wifi gratuit à tout le monde en ces lieux, les activités sont devenues plus ludiques, plus familliales, plus touristiques...

Tout en se promenant on a bu des jus et également du café de... Colombie. Bizarrement les colombiens apprécient depuis peu le bon café. Contrairement à d'autres pays producteurs, la Colombie ne faisait que produire et exportait la baie sans entamer le processus de séchage, torréfaction etc... Aujourd'hui de nombreux producteurs maîtrisent le processus complet et les colombiens commencent à apprécier le café noir.

La nuit étant tombée nous sommes parties vers le nord de la ville dans un immense parc où les illuminations de Noël sont installées pour la cinquantième année. C'est un super spectacle d'installations lumineuses, de spectacles de lumières sur l'eau auxquels s'ajoutent des prestations de troupes d'artistes de rue.. évidemment tout est gratuit et il y a foule. Et là on commence à comprendre que nous françaises, nous sommes un peu conditionnées par les événements terroristes vécus ces derniers années. ..aucun controle à l'entrée du parc, les voitures vont et viennent à toute vitesse, les colombiens n'ont plus peur de rien... leurs années terroristes sont derrière eux et ils en profitent mais nous on regarde mine de rien autour de nous. 




Cela ne nous empêche pas de goûter à tout plein de spécialités de Noël comme des beignets de fromage en boule avec une crème à base de noix de coco râpée et avec lesquels on boit de la bière dans laquelle on a pressé un jus de citron vert et qu'on boit dans un verre aux bords salés. ..pas fan :-( 



En revanche Fab a bien aimé l'aguardiente (eau de vie anisée à base d'alcool de canne) et les obleas nappées de caramel de lait mais sans le fromage râpé et le coulis de mûres qu'ils y ajoutent normalement. l


Cette journée avec Cathy a été très riche, nous ne pouvons malheureusement pas tout raconter... l'industrie textile encore bien vivante (peu de vêtements made in China dans les boutiques), les activites minières en particulier le marbre, la culture florale dont les fameux oiseaux du paradis, le cinéma installé dans la coupole d'un bâtiment qui ressemble à une église mais ne l'a jamais étée et qui est sensé representer les palaces europeens (?^^),



la place Botero où trônent 23 sculptures offertes en 2003 par l'artiste colombien qui à l'occasion a également offert 5000 entrées au musée de la ville pour des enfants de la région , 



les chivas (camions typiques colorés colombiens) qui à Medellín sont maintenant des lieux de fêtes (il suffit d'en louer un et d'inviter des amis pour danser, boire et manger tout en roulant dans la ville).... 



Bref, cette ville est d'un dynamisme, d'une modernité étonnante et il n'y a qu'une seule chose à retenir : la vie est loin d'être facile pour tous les habitants de Medellín mais ils sont entreprenants, débrouillards, aimables, gentils comme tous les colombiens et c'est très agréable en effet d'être à Medellín, ville qui s'est vue decerner le prix de la "Ville la plus innovante" par le Wall street journal en 2015 devant New York et Tel Aviv.


Enfin à lire :

http://m.quebec.huffingtonpost.ca/2017/01/31/visage-medellin_n_14521978.html

Demain on s'intéresse aux quartiers et particulièrement au Comuna 13 devenu très célèbre grâce  aux talents de ses habitants. ..

2 commentaires:

Thibaud a dit…

Super récit qui donne bien envie d’y aller !
Bonne continuation
Bises à vous

Anonyme a dit…

Belle histoire, nous voyageons dans notre tète.

Bonne route,

bises